23 juillet 2008

Le Stade de Wimbledon

En 2002, Mathieu Amalric, fort de son expérience sur Mange ta soupe, décide de tourner un nouveau film, pour le grand écran cette fois-ci, mais toujours court de 70 petites (et savoureuses) minutes. Il raconte qu'il a pris un livre au hasard dans la bibliothèque familiale, prêt à l'adapter au petit bonheur la chance. Il est tombé sur Le stade de Wimbledon, de Daniele Del Giudice. Un roman qui raconte les pérégrinations d'un jeune homme parti à Trieste enquêter sur un écrivain qui n'a jamais écrit. Amalric tombe aussitôt amoureux du roman et il part rencontrer son auteur, bien décidé à en tirer le film qu'il s'était juré de faire coûte que coûte. Simplement, et l'auteur du roman s'en amuse, le jeune enquêteur deviendra dans le film une jeune femme. Une jeune femme qui aura les traits de Jeanne Balibar, évidemment. La première séquence du film donne le ton : à bord d'un train, la caméra d'Amalric filme l'actrice puis nous représente son regard, rêveur et contemplatif, coloré par une photographie précise et ouatée tout à la fois, lumineuse en un mot. Mais le train en route pour Trieste s'arrête sur la voie. Il n'arrivera jamais en gare. Sur les conseils d'un voyageur, la jeune femme décide de rejoindre la ville à pieds, par des chemins de traverse, déjà en décalage à flanc de falaise dans sa robe et sur ses talons, admirant la ville d'un point de vue privilégié grâce à ce trajet interrompu avant son terme.



Truffaut disait "faire un film contre le précédent" et Amalric s'en acquitte. Contre l'autobiographie sous-jacente de Mange ta soupe, Le stade de Wimbledon s'inspire d'un roman tout étranger ; à la stagnation du premier vient se substituer l'incessante bougeotte du second ; enfin, à l'abondance sans caractère d'objets-livres s'oppose la quête d'un seul, qui n'existe pas. Amalric tourne son film à divers moments au cours d'une année entière, à l'image de son personnage qui revient à intervalles irréguliers à son labeur. Il n'écrit pas d'adaptation et tourne sans scénario, seulement muni d'un exemplaire du roman de Del Giudice. La jeune femme interprétée par Jeanne Balibar arrive au début du film à Trieste, où vécut Bobi Wohler jusqu'à sa mort quelques années plus tôt. Complètement fascinée par ce grand intellectuel, ce penseur brillant, proche de tant d'écrivains, la jeune femme se demande pourquoi il n'a jamais écrit (entendez "publié"). Au fil des allers et retours à Trieste, au gré des rencontres, la personnalité et le mystère de cet homme de lettres sans écrits commence à se dessiner et parallèlement à cela la quête devient de plus en plus floue pour la jeune instigatrice. Encore une fois chez Amalric, tout n'est qu'une histoire de livres où se croisent l'essentiel et le dérisoire.



Le style d'Amalric cinéaste se précise, s'affine, se grandit. Il y a dans ce film une grâce permanente, un plaisir de l'image, la création d'un temps unique propre à son auteur et qui s'affirme, s'épanouit dans une quintessence de lumières et d'intelligence. Ce film c'est avant tout celui d'un homme qui filme la femme qu'il aime. Amalric filme sa Jeanne Balibar, il l'aime, et ça suffit à faire un grand film quand son auteur a du style et du temps, un temps à lui qu'il nous permet de partager. Il le dit lui-même : "Fuller disait a film is a girl and a gun, moi je n'avais que Jeanne et le soleil, alors pour moi un film c'était a girl and the sun".


Le Stade de Wimbledon de Mathieu Amalric, avec Jeanne Balibar (2002)

4 commentaires:

  1. Non, ils sont vilains tes fonds d'écran. Your wallpapes are ugly.

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  2. Meilleur pseudo kraxpelax, ça me rappelle Felox, Joeflax et tous ces gens que nous sommes.
    Et le film est vachement bien.

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  3. ah ça n'a rien à voir avec le tennis. Merde.

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    1. Absolument rien non :)

      A ne pas confondre avec "Wimbledon", où Paul Bettany essaie littéralement de breaker Kirsten Dunst !

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